Cartographie de la Seine-Saint-Denis : entre fragilité et puissance

par | Juin 1, 2021 | Non classé | 0 commentaires

En 2020, l’Insee consacre une étude complète sur les mutations territoriales fulgurantes que subit la Seine-Saint-Denis. Le département se transforme et vite… À travers cette enquête, l’institut dresse le portrait d’un département aux deux visages, où cinq zones aux profils bien distincts se dessinent. Insertia décrypte pour vous ces tendances.

Le nord et le centre cristallisent les fragilités socio-économiques

La Courneuve, Aubervilliers, Bobigny ou encore Garges-lès-Gonesse, autant de villes tristement connues pour faire régulièrement partie du top des villes les plus pauvres de France. Ainsi, l’enquête de l’Insee dévoile que la moitié des habitants de ce territoire ne disposent pas du baccalauréat et que plus de 20% de la population est au chômage (contre une moyenne de 11% sur le reste du département, soit presque le double). Le taux de précarité y explose avec plus d’un tiers des habitants vivant sous le seuil de pauvreté (33,7%). C’est d’ailleurs le territoire qui dispose du moins de résidents cadres avec un chiffre de seulement 5,1 %. Les deux pôles où se concentre l’économie sont le Bourget, avec ses salons et expositions, ainsi que Bobigny, qui concentre les services publics et administratifs du département (Préfecture et sous-préfecture, conseil général…) Ce territoire est décrit par l’INSEE comme une terre d’accueil pour les populations les plus précaires, et notamment pour les populations immigrées, qui constituent un tiers de sa population, à l’image de Saint-Denis ou de Saint-Ouen. 70% des habitants vivent en appartement collectif, dont 39% en logement social. Territoire jeune, plus de 30% des habitants ont moins de 20 ans et la part des familles nombreuses est la plus forte du département.

Saint-Denis et Saint-Ouen, deux villes en plein boom économique

Ces deux communes situées à l’extrême ouest du département subissent de grandes mutations depuis une dizaine d’années, tant sur le plan économique qu’urbain. Implantées entre Paris et le reste du département, elles bénéficient d’une position stratégique. Au coeur du projet du Grand Paris, la Plaine Saint Denis et la ZAC des Docks sont en pleines expansions urbaines et sont devenues un terrain d’implantation pour différentes structures, dont de grandes entreprises (Alstom, BNP, SVP, Saguez and Partners…) Bien que l’Insee recense 38% de cadres en emploie sur ce territoire, soit le taux le plus élevé du département, seuls 9,5% y sont résidents, ces derniers n’ayant pas autant accès aux plus hauts postes. Cette transformation du territoire est en décalage avec le train de vie de ses habitants, qui figurent parmi les plus fragiles du département et les plus pauvres de France. Ainsi, l’Insee indique que 40% des habitants résident en logement social et que le territoire compte 37% d’ouvriers et 22% de chômeurs. L’Insee décrit une population jeune et cosmopolite, avec 28% des habitants qui ont moins de 20 ans et une part de la population immigrée qui atteint 36%, soit plus d’un tiers des habitants concernés.

Les Lilas, Bagnolet et Montreuil, à l’heure de la gentrification

Situés aux portes de Paris, 6 communes sont concernées par cette gentrification, à savoir Pantin, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Bagnolet, Montreuil ou encore Romainville. Implantée aux abords du canal de l’Ourcq, entre rives paisibles et décor industriel, une journaliste du New York Times y a vu la « version Française de Williamsburg » de Brooklyn, rien que ça! Ce territoire est également un symbole du projet Grand Paris qui se concrétise à vue d’oeil. BNP Paribas installe ses bureaux aux grands moulins de Pantin, fin 2009. Les Grands Moulins de Pantin, anciennes friches industrielles, sont par ailleurs totalement rénovés et modernisés par un architecte de renom, qui réhabilite ces anciens bâtiments en bureaux. Selon l’Insee, l’emploi y a ainsi progressé de 24% entre 1999 et 2015. 29% des personnes en emploie sont cadres, dont 14,3% qui sont résidents du territoire, soit le taux le plus élevé de cadre sur un territoire du département. L’Insee souligne que les résidents sont en adéquation avec les postes proposés sur le territoire, contrairement aux résidents des villes de Saint-Denis et de Saint-Ouen. Pourtant, l’étude révèle qu’un tiers des résidents vivent en logement social et que le taux de pauvreté atteint les 26,1%. Ainsi, cette gentrification fait craindre une forte fracture entre une population qui reste fragile sur le plan socio-économique et une autre, plus aisée, cohabitant sur un même territoire.

Du Raincy à Clichy-sous-bois, la fracture sociale

Du Raincy, en passant par Aulnay-sous-bois ou encore Noisy-Le-Grand, le sud-est du territoire s’illustre comme une zone résidentielle, proche des caractéristiques des communes limitrophes, comme le Val de Marne ou la Seine-et-Marne. D’après l’Insee, 54% des résidents y sont propriétaires. Ici, 21% des résidents vivent en logement social et le taux de pauvreté atteint 19,2%, soit le territoire le moins pauvre du département. Globalement, ce territoire recense la plus forte proportion de personnes âgées, soit 17,8% de plus de 60 ans d’après l’étude. Gournay-sur-Marne, Le Raincy, Villemomble et Coubron figurent d’ailleurs parmi les villes les plus riches du département et c’est sur ce territoire que l’on trouve la plus forte concentration de villes riches du 93 (à noter que l’Insee calcule le taux de richesse d’une ville par rapport au taux d’imposition moyen de ses habitants). Ce territoire est aussi enclin à un fort taux d’inégalité socio-économique entre les différentes communes, avec une ville comme clichy-sous-bois, pourtant frontalière au Raincy, qui a un taux de pauvreté qui explose avec 43% d’habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté selon l’observatoire des inégalités.

 

Les Grands Moulins de Pantin

 

Tremblay-En-France et Villepinte, sous l’influence de l’aéroport de Paris Charles- de-Gaulle

Qualifiées de « villes aéroportuaires » par l’Insee, ces deux communes sont marquées par la présence de l’aéroport de Roissy ou encore du parc des expositions. Bien qu’elles concentrent des postes en adéquation avec le profil de ses résidents, toujours d’après l’Insee, l’aéroport de Roissy n’emploierait pourtant que 6% de résidents sur le territoire. La présence de l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle y concentre l’emploi, avec de nombreux employés non-résidents en transit. L’aéroport a une véritable emprise sur ces territoires, puisqu’il en structure complètement l’économie. Villes attractives, on y trouve notamment les nombreux bureaux de Roissy-Pôle ou encore une importante zone de fret. Concernant les résidents, 58,7% sont propriétaires, le taux le plus élevé sur le département et ils sont pour la plupart issus d’une classe moyenne. Il s’agit cependant d’une ville jeune (30%) qui concentre une grande part de non diplômés, plus prédisposés au chômage.