Secteur de l’hôtellerie et de la restauration , la pénurie s’accélère

par | Juil 13, 2021

Malgré de très fortes intentions d’embauche dû à la levée du cordon sanitaire et au retour des emplois saisonniers, la pénurie en main d’œuvre s’accélère dans les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration. Décryptage.

La réouverture, ce sera sans eux. La France sort la tête de l’eau après une vague de restrictions sanitaires interminables… Mais c’était sans compter sur une pénurie de main d’œuvre qui frappe le pays en ce début de saison estivale, à l’image de ce qui se passe aux Etats-Unis, au Canada ou en Angleterre. Les secteurs de l’hôtellerie-restauration sont particulièrement touchés, avec un exode salarial sans précédent. La crise covid a bouleversé le rapport au monde du travail, laissant le temps à certains de trouver une autre voie, plus épanouissante et sécurisante.

Un constat alarmant

Depuis la levée des restrictions sanitaires qui s’est amorcée le 19 mai dernier, les restaurants, cafés et bars ont progressivement rouvert boutique pour le grand plaisir des mélancoliques qui ont pu renouer avec leur mode de vie « à la Française ». Mais les 7 mois de fermeture ont laissé des traces : l’activité des restaurateurs peinent à décoller, faute de personnels qualifiés. En conséquence, de nombreux restaurateurs ne peuvent ouvrir pleinement leurs établissements et certains ne peuvent même plus ouvrir le midi, comme l’explique Christophe Souques, gérant de restaurants niçois et vice-président de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) sur le plateau de RT France : « J’ai 5 établissements, il me faudrait 130 salariés et aujourd’hui, j’en ai que 92. Il m’en manque tellement que je ne peux pas ouvrir mon établissement le midi, donc je n’ouvre qu’à partir de 16h ». Le patron du Simone, situé dans le centre-ville de Bordeaux, affirme lui aussi être dans une situation critique dans le journal la Tribune Aquitaine : “On a renoncé à ouvrir le samedi midi et le dimanche midi faute de personnels et pour éviter de trop tirer sur les équipes.” D’après l’UMIH, on recense 200 000 postes à pourvoir dans le secteur alors que 100 000 postes restent toujours vacants. Où sont donc passés les travailleurs saisonniers, qui répondent habituellement à l’appel lors des saisons estivales ? C’est que 100 000 salariés, barmans, serveurs ou encore cuisiniers, ont quitté définitivement le secteur durant la crise pour changer de métier. Ils ne reviendront pas et le manque se fait ressentir. Le problème majeur, c’est que cette pénurie a un impact plus global et est un véritable frein au retour à la croissance post sanitaire, une croissance exponentielle qui devait atteindre les 6% à la mi-2021, selon l’Insee !

“Ces 7 mois de fermeture ont fait réfléchir beaucoup de personnes, beaucoup ont décidé de ne pas revenir travailler »

Cette pénurie de main d’œuvre est déjà constatée depuis longtemps dans ce secteur d’activité, la crise sanitaire n’a fait que l’exacerber davantage, comme l’explique Christophe Souques, toujours sur le plateau de RTL : « On a un métier qui est extrêmement compliqué, qui est très physique, que l’on ne fait pas tout le temps par vocation… Ces 7 mois de fermeture ont fait réfléchir beaucoup de personnes, beaucoup ont décidé de ne pas revenir travailler… » Un constat partagé par Arnaud Chemain, représentant CGT des métiers de l’hôtellerie et de la restauration et employé dans la restauration : “On travaille tard, le week-end, avec un salaire médian de 1 300 € pour 39 heures. Beaucoup ont donc choisi de se réorienter et ont quitté le secteur.” Les conditions de travail difficiles, notamment avec les horaires décalés et les heures de creux auront eu raison de ces salariés. 7 mois de chômage partiel, ça laisse du temps pour réfléchir à une autre voie et pour se réorienter… A cela vient s’ajouter le cas des salariés étrangers, qui occupent souvent les postes en cuisine et qui ont déserté pendant la crise sanitaire selon le vice-président de l’UMIH Côte d’Azur : « Une masse étrangère qui venait en service, en cuisine, n’est pas revenue ». Cette pandémie remet une nouvelle fois en question la dépendance à la main-d’œuvre étrangère dans certains corps de métier, souvent perçu comme trop physique ou difficile.

Des solutions à long terme pour une problématique durable

Elisabeth Borne, la ministre du travail, avait annoncé en mai dernier que 75 millions d’euros avaient été déboursés pour mettre en place des formations de ré-entraînement pour que les anciens salariés du secteur puissent réapprendre « les gestes du métier », après ces longs mois loin de l’emploi. Dans le cadre de ce projet, le gouvernement comptait bien débusquer les fameux déserteurs par le biais de Pôle Emploi et proposer une formation courte et gratuite qui puisse leur permettre d’être de nouveau opérationnels. Ces efforts anticipés n’auront visiblement pas suffi à limiter la casse. Du côté des restaurateurs, une augmentation des salaires est envisagée pour rendre ces emplois plus attractifs. Pour Christophe Souques, il faudrait baisser les charges qui pèsent sur les patrons de restaurant pour que cet argent puisse servir à revaloriser les salaires. Un diagnostic partagé par Alexandre Capriani, président dans l’UMIH de la Loire, sur France Bleu : « Oui et il va falloir revaloriser, peut être aussi au niveau des salaires. » D’autre, compte plutôt sur une amélioration des conditions de travail pour pousser les anciens salariés à retrouver plateaux et tabliers, comme une meilleure répartition des horaires tardifs qui empiète sur les vies de famille. Une restructuration du modèle salariale de ces professions doit être mise en place de manière pérenne, et Christophe Souques envisage une problématique durable : « On a ce problème qui ne va être à mon avis que le début d’une problématique qui va être très forte en France, on est en train de découvrir la partie émergée de l’iceberg ». Un cri d’alarme, partagé par Thierry Fontaine, restaurateur Lyonnais : “C’est un problème qui sera durable, il faudra 5-6 années pour se remettre complètement de la crise”.